Né à Angoulême le 9 avril 1871, Pierre Louis Marcel BOUILLOUX-LAFONT fait ses études à Etampes puis à l'Université de Droit de Paris.
Après avoir envisagé d'abord une carrière d'avocat spécialiste en droit international, (il fut le plus jeune avocat inscrit au barreau de Paris), il décide de se consacrer, avec son frère Maurice, à la gestion de la Banque Bouilloux-Lafont fondée en 1855 par leur père Pierre.
En octobre 1899, il épouse Thérèse GRENIER, dont la famille était originaire de Reims, avec laquelle il aura 5 enfants.
Son frère Maurice s'orientera vers la politique; il fut Député du Finistère de 1914 à 1932 puis Vice-président de la Chambre des Députés de 1924 à 1930 et enfin rapporteur du budget de la guerre de 1929 à 1932.
Il fonde en 1907 la Caisse Commerciale et Industrielle, banque spécialisée dans les prêts à l'étranger. En 1909, il parvient au Brésil où le gouvernement lui demande d'assumer le financement et la construction du port de Bahia.
En 1911 il crée la SUDAM (Sud Américaine de Travaux Publics), société autorisée par décret brésilien à opérer dans ce pays.
Il est élu Maire d'Etampes en 1912 et son mandat reconduit ne prendra fin qu'en 1929; il contribue efficacement au développement de cette ville malgré les difficultés de la guerre et ses nombreux déplacements en Amérique du Sud.
Le 2 août 1914, il est mobilisé, mais en 1916, le Général JOFFRE lui confie une mission dans le but de défendre les intérêts français et la cause des alliés en Amérique du Sud.
Après la guerre, Marcel BOUILLOUX-LAFONT, confiant dans l'immense avenir du Brésil, continue à entreprendre toute une série de grands travaux dont les plus importants sont la construction et l'administration des ports de Bahia, Rio de Janeiro, la construction et l'exploitation des chemins de fer de l'Est brésilien, la fondation du Crédit Foncier du Brésil et de la Companhia Brazileira de Imoveis.
En décembre 1926, Pierre Georges LATECOERE vient rencontrer, à Rio de Janeiro, Marcel BOUILLOUX-LAFONT, pour lui proposer de mener à bien son projet de transport aérien de courrier jusqu'à Buenos-Aires. Faisant état de l'importance du rôle de l'aviation dans le monde futur, l'exposé de LATECOERE emporte les hésitations de BOUILLOUX-LAFONT.
Le 11 Avril 1927, Pierre Georges LATECOERE cède 93 % du capital en actions de la Compagnie Générale d'Entreprises Aéronautiques pour la somme de 30 Millions de Francs, à Marcel BOUILLOUX-LAFONT, Président de la SUDAM. Marcel BOUILLOUX-LAFONT baptise sa nouvelle société Compagnie Générale Aéropostale : l'« AEROPOSTALE » est née.
Aussitôt après, le nouveau groupe, dont Marcel Bouilloux-Lafont à conservé les pilotes et personnels mis en place par Latécoère, en embauche d'autres, dont des pilotes Argentins, et commence à mettre sur pied l'organisation de la ligne d'Amérique du Sud.
Dans un temps très court, (3 ans) il fallut trouver des financements, des autorisations de survol et d'escale, obtenir des décrets autorisant le fonctionnement de la Compagnie Générale Aéropostale, signer des contrats postaux avec 8 pays d'Amérique du Sud, obtenir des concessions de transport de courrier, acheter du matériel, créer de nouveaux services, etc.…
Une gigantesque infrastructure est mise en place, pour assurer le fonctionnement de la ligne : 15 aérodromes sont créés, tous équipés de TSF, Radiogoniométrie, hangars et ateliers,…
Le 1er mars 1928 est inauguré la liaison aérienne Toulouse Buenos-Aires.
Des liens étroits de respect et d'amitiés se tissent entre les pilotes et leur Président : Mermoz lui apprendra à piloter et Marcel Bouilloux-Lafont sera son témoin de mariage.
En juillet 1929 l'exploitation prolongée jusqu'à Santiago du Chili en fait la plus longue ligne aérienne du monde avec 13 300 kilomètres, survolant 9 pays, et reliant trois continents.
En août 1929, l'Aéropostale signe avec l'Etat français une convention permettant un emprunt obligataire prolongeant le contrat avec la société de plus de vingt ans.
En 1930, la Compagnie Générale Aéropostale, exploite un réseau de 17 000 kilomètres, rassemblant 80 pilotes, 250 mécaniciens, 53 radios, 250 marins, en tout 1500 personnes. Elle possède 218 avions, 21 hydravions et 8 navires.
Efficace malgré la concurrence étrangère féroce, Marcel Bouilloux-Lafont obtient des autorités portugaises l'exclusivité d'escale aux Açores et aux Iles du Cap Vert donnant ainsi l'accès à l'Atlantique Sud et Atlantique Nord aux seules ailes commerciales françaises.
Parallèlement, ses efforts sont orientés, par le biais de sociétés affiliées à l'Aéropostale, vers l'implantation du réseau dans les diverses nations Sud Américaines.
Ainsi, Marcel Bouilloux-Lafont fut Président et fondateur de plusieurs Compagnies Aériennes :
Mais aussi:
Les pilotes nationaux, au côté de leurs amis français, ont œuvré pour l'enracinement et le prolongement du réseau.
Il cumula ces nouvelles fonctions aéronautiques aux autres responsabilités commerciales et industrielles qu'il occupait depuis prés de 20 ans, dont les Présidences :
Fin octobre 1930, une révolution au Brésil et en Argentine oblige la suspension provisoire de l'exploitation.
Le 4 décembre 1930, en France, chute du cabinet d'André Tardieu, son Ministre de l'Air Laurent EYNAC devait présenter au Parlement la convention signée entre Bouilloux-Lafont et le Ministre de l'Air dés le 2 août 1929 pour le renouvellement de la concession d'exploitation et surtout pour donner une garantie de l'Etat à de nouveaux emprunts.
Depuis ce début 1930, les Bouilloux-Lafont font face à une crise de trésorerie intense et demandent de l'aide de l'Etat français: ce dernier refuse de rembourser le Crédit foncier du Brésil qui a prêté de l'argent à l'Aéropostale.
Au Brésil, entraîné par le krach de la Bourse de New York en 1929, et l'effondrement du cours du café, le Crédit foncier du Brésil est en grande difficulté financière.
Début janvier 1931, Marcel Bouilloux-Lafont et son fils André, Polytechnicien, Administrateur délégué de la Compagnie, font le siège du Ministère de l'Air : Des concours financiers sont indispensables pour le fonctionnement de l'Aéropostale, les pilotes ne sont plus payés, il faut que l'état français débloque l'autorisation d'emprunt garantie par la convention signée en 1929, et « oubliée » dans un tiroir!...
« Revenez dans un mois » leur répond le Ministre de l'Air Paul Painlevé...
Fin janvier, le Ministre a changé, il s'agit de Jean Louis DUSMENIL, qui propose à Bouilloux-Lafont de céder sa place.
En février Marcel Bouilloux-Lafont est toujours confronté au refus du Ministère de l'aider, même provisoirement, dans l'attente du vote de la Convention, et ne trouve aucun partenaire disposé à renflouer son groupe.
Une solution est proposée et adoptée par la Chambre des Députés : La création d'un Comité de gérance nommé par le Ministère. Le Sénat repousse le texte et lui substitue une proposition de subvention supplémentaire d'attente de 6 millions de Francs. Mais le Ministre DUSMENIL sous les ordres du Premier Ministre Pierre Laval, déclare qu'il n'acceptera en aucun cas de verser la subvention tant que la Société n'aura pas déposé son bilan.
C'est ainsi que fut asséné le coup définitif qui mit fin à l'action du Groupe Bouilloux-Lafont dans l'Aéropostale.
Le bilan fut déposé le 28 mars 1931 et la société mise en liquidation. Aussitôt le Ministère renouvela la convention tant attendue, et nomma un comité de contrôle.
Un accord laborieusement construit entre le comité de contrôle, le Liquidateur, Paul Vacher, et le Conseil d'Administration de l'Aéropostale, permit de désigner un Comité de Direction, Présidé par Raoul Dautry.
En 1933, Ministre de l'Air, Pierre COT, décide la fusion des sociétés d'aviation existantes et la S.A. Air France naît. Elle rachètera les actifs de l'Aéropostale.
Les dernières années de sa vie Marcel Bouilloux-Lafont, mis en faillite, vit son patrimoine familial totalement aliéné en 1934. Il restait encore des créanciers à dédommager, ce qu'il s'engagea à faire de Rio de Janeiro où il lui restait quelques entreprises, qu'il s'employa à maintenir pendant les dix dernières années de sa vie.
Il mourut ruiné dans un hôtel à Rio de Janeiro le 2 février 1944.